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La visite du pape Léon XIV au Liban : Approches et paradoxes

La visite du pape Léon XIV au Liban intervient dans un contexte de changements majeurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le Liban lui-même est confronté à un choix crucial entre un avenir prospère ou un effondrement. Nous avons l'honneur de partager avec vous ce témoignage de première main de S.E. Mgr Paul-Marwan Tabet, Évêque Maronite du Canada, contributeur clé et partenaire essentiel de notre mission.

La visite du pape Léon XIV au Liban intervient à un moment où le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord connaissent, au niveau des États et des gouvernements, des transformations profondes marquées par l’entrecroisement de défis politiques, économiques et sociaux. Ainsi se profilent les contours d’un « nouveau Moyen-Orient », où s’imbriquent les intérêts des grandes puissances et les efforts d’États régionaux influents qui aspirent à renforcer leur rôle et leur position. Au cœur de ce contexte, le Liban se tient à un carrefour décisif : entre la voie de la prospérité et de la stabilité d’une part, et, peut-être, celle de la destruction et de la poursuite de l’effondrement d’autre part.

C’est dans cette optique que la visite du pape Léon XIV apparaît comme bien plus qu’un simple déplacement pastoral : elle constitue une étape charnière où l’histoire rejoint l’actualité, où la dimension spirituelle rencontre le parcours humain, mais aussi où l’histoire se heurte à la géographie. Depuis la Turquie puis au Liban, le nouveau pape réaffirme le rôle historique de l’Église et la vocation du Liban comme espace de liberté, de dialogue et de rencontre, dans un monde rongé par les divisions idéologiques, les réactions violentes et la course à l’armement.

Dans une dynamique continue, la visite du pape au Liban s’inscrit dans la longue histoire de l’Église. Le Liban se situe entre les Églises d’Antioche et de Constantinople, deux patriarcats qui ont constitué, au fil des siècles, un pilier fondamental de la chrétienté orientale. Par son histoire et son extension géographique et spirituelle, le Liban représente un lieu naturel de dialogue entre les Églises et entre les différentes religions. Aujourd’hui encore, il demeure un pont entre l’Orient chrétien, son environnement musulman et le monde. Le Liban n’est pas seulement une patrie : il est véritablement un « message », selon les mots de saint Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Une espérance nouvelle pour le Liban. Sa Constitution garantit la liberté religieuse, la liberté d’expression et la dignité de l’individu et des communautés.

Dans un monde qui se replie sur lui-même et s’égare en l’absence de repères humanistes, la visite du pape Léon XIV met en lumière le Liban comme « modèle » à préserver et à protéger, un témoignage vivant de la possible coexistence entre religions et cultures.

Moments importants de la visite : messages de leadership spirituel et humain

La visite du pape Léon XIV comporte plusieurs étapes significatives :

1. Rencontre avec le corps diplomatique et la société civile au Palais présidentiel

Le pape y délivre un message fort : la construction de la paix commence par les institutions constitutionnelles et les gouvernements, lesquels doivent respecter la personne humaine et garantir ses droits. La paix n’est pas seulement une décision politique, mais un parcours humain fondé sur la dignité, la justice et le développement. Le pape rappellera sans doute aux diplomates que leur rôle n’est pas uniquement de gérer les crises, mais aussi de favoriser le bien commun et de bâtir des ponts entre les peuples.

2. Rencontre avec les responsables religieux

Dans la continuité du pape François, la présence du pape Léon XIV souligne que le dialogue interreligieux et interculturel n’est pas un événement ponctuel, mais un processus exigeant du courage et la reconnaissance de l’« autre » dans sa différence. Les religions ne sont pas une source de conflit, mais un levier d’espérance et de paix. Il insistera sur l’importance du « dialogue de vie », incarné dans la coopération quotidienne et l’échange constructif, au-delà d’un simple « vivre côte à côte ».

3. Visite au tombeau de saint Charbel

La visite du pape constitue un rappel du rôle de la sainteté dans l’enracinement de l’identité spirituelle du Liban. La sainteté n’est pas un fait historique figé, mais une force vivante qui contribue à imprégner la société de vertu à une époque où les repères moraux et éthiques s’effritent.

4. Rencontre avec les malades et les pauvres au couvent des Sœurs de la Croix

Ce geste traduit la mission essentielle de l’Église : placer l’être humain – en particulier le plus vulnérable – au cœur de son action. L’Église est appelée à demeurer un « hôpital de campagne » spirituel dans un monde blessé, témoin de la souffrance des personnes et incarnation de la miséricorde de Dieu.

5. Rencontre avec les consacrés et les consacrées

Il est attendu que le pape y renouvelle l’appel à revenir aux racines de la vie consacrée, à raviver son sens profond dans un environnement souvent non chrétien, et à renforcer le rôle des chrétiens d’Orient dans le monde ainsi que leur mission de rayonnement.

6. Rencontre avec les jeunes

Une occasion pour renouveler l’appel du pape à la jeunesse à s’attacher à sa terre, à renoncer à l’émigration et à devenir des témoins actifs de la foi dans un monde en mutation. Il les encouragera à participer à la vie ecclésiale, civique et nationale, et à croire en leur capacité à reconstruire une société plus juste et plus tolérante, au cœur de la révolution numérique et de l’essor de l’intelligence artificielle.

7. Messe solennelle à Beyrouth

Beyrouth, « mère des lois », renaît de ses blessures telle un phénix, demeurant fidèle à son esprit malgré les tempêtes. Cette capitale, où la mer rencontre le livre, la musique se mêle à l’effervescence quotidienne, et où églises et mosquées cohabitent harmonieusement, symbolise le pluralisme et l’ouverture. La messe solennelle qui s’y tiendra souligne le rôle du Liban dans la construction de l’identité culturelle de la région. Le pape y adressera un message fort : le Liban doit rester un phare pour l’Orient et l’Occident, un lieu où la valeur humaine est placée au-dessus de tout.

8. Prière sur le site de l’explosion du port de Beyrouth

Moment de recueillement dans ce lieu-symbole d’une tragédie nationale majeure. C’est un appel à la solidarité internationale envers les victimes, mais aussi un cri pour la justice, la réparation et la mémoire de ceux qui ont perdu la vie. Le silence du pape sera un appel puissant à combattre la barbarie du mal, à rétablir la vérité et à panser les blessures encore vives de la ville et de ses habitants.

La présence du pape Léon XIV au Liban offre l’occasion de revisiter les valeurs fondamentales du pays : Les Libanais sont-ils encore capables de préserver leur modèle unique de pluralisme ? Ce modèle pourra-t-il rester une référence en matière de coexistence et de « dialogue de vie » ? Pourront-ils, chrétiens et musulmans, dépasser leurs divisions internes et maintenir leur unité face aux ingérences extérieures ? Le Liban pourra-t-il demeurer un espace de dialogue plutôt qu’un champ de confrontation ?

À un moment où le Liban oscille entre sa vocation originelle de nation libre, souveraine et indépendante, et une réalité fragile marquée par les influences régionales et internationales, alors même qu’il a toujours offert au monde le meilleur de ses écoles, de ses universités, de ses artistes, de ses Églises, de ses mosquées, de ses hommes et de ses femmes, porteurs d’une foi profonde, de l’attachement à la famille et de l’amour de la terre, le pape Léon XIV réaffirme que le Liban, par son peuple et par son héritage religieux et culturel, peut se reconstruire dès lors que la « nation » retrouve l’essence de sa foi en la miséricorde, la justice et l’amour. Il pourrait alors devenir la plateforme d’un appel mondial à redécouvrir le sens de la fraternité dans une région ravagée par la guerre et dans un monde fragmenté.

La visite du pape Léon XIV au Liban n’est donc pas un événement protocolaire, mais un message porteur d’espérance et de foi, un message au monde affirmant que l’Orient peut encore être une terre de paix, un message aux Libanais leur rappelant que leur identité plurielle est un trésor à préserver, un message à l’Église l’invitant à renforcer sa présence au sein de l’Orient, présence essentielle pour l’humanité. D’où l’importance de parvenir à un contrat social qui protège chacun et rassemble tous.

Le philosophe Hegel a dit : « Les grands hommes sont ceux qui ont répondu à l’appel de l’Histoire ». Les générations futures écriront que le pape Léon XIV a visité le Liban et a prononcé des paroles que l’Histoire retiendra à jamais. Vont les Libanais répondre à son appel et revenir à la préservation du Liban avec amour et intégrité ? Et l’Histoire retiendra-t-elle que de grands hommes du Liban ont répondu à l’appel de la patrie pour lui rendre sa véritable identité et ont offert ce qu’ils avaient de meilleur, en gouvernance, en éthique, en engagement et en amour pour le Liban… pour le Liban uniquement !

Son Excellence Paul-Marwan Tabet est l’Évêque de l’éparchie Maronite du Canada

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